Comment avez-vous abordé la question de l’intimité conjugale ?
ELLE : c’est une question bien délicate !
IL : je me suis rendu compte que tout ce que je pouvais savoir sur le sujet ne me disait pas comment aborder l’intimité conjugale.
ELLE : la relation intime de notre couple restait à inventer. Nous avons compris que nous en étions les artisans et qu’il n’appartenait qu’à nous d’en faire l’expression de notre amour et du don total de nous-mêmes.
IL : comme la plupart des ados, j’avais eu accès à la pornographie et si elle m’avait instruit sur les différents usages des organes génitaux, je restais complètement ignorant sur la question du désir pour une autre personne, la manière de préparer ensemble la rencontre sexuelle et le don de soi qui fait de cette union autre chose que la réaction mécanique ou le soulagement physiologique d’une excitation sexuelle.
ELLE : ayant une amie qui avait vécu comme un viol un flirt trop poussé avec un copain insistant et ne maîtrisant plus rien, j’avais une opinion un peu négative, malgré tout ce que je savais de la beauté de cet acte et j’appréhendais cette relation.
IL : j’avais aussi eu quelques flirts, plus pour faire comme les autres ou par vanité, pour me rassurer quant à ma capacité de séduire les filles, mais je savais qu’avec celle que j’avais choisie pour partager ma vie et le meilleur de moi-même, c’était différent et pour moi c’était l’inconnu.
ELLE : en apprenant à nous connaître nous avons appris à nous respecter. Nous avons compris l’importance de la patience, du tact à l’égard de l’autre, tout en nous découvrant les implications de l’amour.
IL : les premières fois n’ont pas été « faramineuses ». J’étais trop impatient de conclure, avec toutes sortes de peurs concernant ma virilité, et la crainte que l’expression de ma virilité disparaisse si les préliminaires duraient trop longtemps.
ELLE : même si je n’éprouvais pas forcément du plaisir, au début, parce que j’ai appris par la suite qu’il fallait que mon vagin apprenne à sentir et à envelopper le pénis de mon mari, j’étais heureuse d’avoir satisfait mon mari et de lui avoir exprimé de cette façon-là mon amour pour lui.
IL : je savais qu’un homme éprouve l’orgasme au moment de l’éjaculation, mais je désirais vraiment au plus profond de moi ressentir le plaisir que donne la communion intime avec sa femme et le fait de « vibrer » ensemble, dans le don total de toute la personne.
ELLE : la patience de mon mari m’a sécurisée et m’a donné l’envie de participer activement à cette communion de nos deux corps, mais aussi de nos deux êtres profonds.
IL : nous nous sommes dévoilés l’un à l’autre, dans tous les sens du terme, nous nous sommes découverts mutuellement en osant nous dire les caresses que nous aimions, ainsi que ce qui nous rebutait et qui aurait été un obstacle à notre union.
ELLE : c’est ainsi que nous avons inventé notre propre manière d’exprimer physiquement notre amour pour en tirer un plaisir, source d’équilibre et de bien-être intérieur.
IL : c’est l’union sexuelle qui me donnait le sentiment de ma virilité, de mon appartenance au genre masculin, de ma personnalité d’homme, avec sa dimension de conquête, mais aussi de protection et de bienveillance.
ELLE : je me sentais, je me sens pleinement femme quand je me donne à mon mari et que je reçois en moi son amour. Je m’épanouis dans la mise en œuvre de mes qualités féminines et l’expression originale de ma féminité, avec son aspect d’accueil, mais aussi d’offrande et de tendresse.
IL : je suis toujours émerveillé en prenant conscience que Dieu le Créateur a donné à l’être humain cette capacité d’éprouver un plaisir physique et affectif, qui déborde largement nos limites humaines.
ELLE : l’acte sexuel du couple est vraiment le temps de la communion, le plaisir conjugal est la signature d’une union intime : corps, âme et esprit, c’est un comblement, qui donne un sentiment de plénitude et de puissance.
IL : l’intimité conjugale révèle notre fragilité d’être humain et notre égalité dans cette fragilité. Celle-ci est le signe que nous ne sommes pas dieux et que nous avons besoin de l’union à l’autre sur tous les plans de notre humanité pour reconstruire l’image de Dieu.
ELLE : dans l’union intime, c’est comme s’il n’y avait plus les frontières du couple, comme s’il n’y avait qu’un être qui vit un moment hors du temps et de l’espace, une sorte d’éternité, en tous cas un temps comme suspendu.
IL : à côté du désir physique, il y a très fort, le désir de ne faire plus qu’un, c’est vraiment le but ultime du couple, quelque chose qui donne un sens à notre vie.
ELLE : ce qui est exaltant, c’est de réaliser que Dieu a voulu qu’il en soit ainsi pour le couple et qu’Il l’a créé avec tous les « outils » physiques, psychologiques, affectifs et mentaux pour aboutir à cette union intime.
IL : en plus de l’acte sexuel, conjugal, il y a l’intimité entre nous qui est propice au partage des aspirations réciproques, de ce que nous ressentons dans telle ou telle situation, des projets auxquels nous pensons.
ELLE : cet échange facilite la compréhension mutuelle. Nous apprenons à nous connaître de façon plus profondes et ainsi à mieux accorder nos actions, nos entreprises, nos pensées.
IL : cela nous oblige aussi à faire des concessions pour nous adapter l’un à l’autre ou à modifier certaines conceptions dans le but de rechercher ce qui convient à nous deux.
ELLE : cette intimité encourage une communion entre nous, pas seulement physique mais aussi affective et mentale.
IL : c’est moins facile pour un homme de se raconter. Il est toujours persuadé d’avoir à cacher aux autres ce qui se passe au fond de lui, pour présenter un personnage fort et maître de lui.
ELLE : nous avons besoin de dire à notre conjoint nos fragilités, nos faiblesses, nos échecs, nos doutes et autres inquiétudes et d’avoir la certitude qu’il nous aime tel que et non pas comme une image idéale projetée sur nous !
A force de nier, nous finissons par nous réfugier dans un comportement matérialiste et à donner une importance démesurée à ce que nous faisons, au détriment de ce que nous sommes.
ELLE : c’est très important de trouver ces temps d’intimité où nous sommes présents l’un à l’autre, à l’écoute de ce qui se dit et de ce qui se vit, où nous laissons dehors tout ce qui n’est pas nous. En même temps, notre perception de ce que nous sommes en tant qu’individu est renforcée ainsi que le sentiment de notre identité.
Savoir vivre en couple | l’intimité conjugale épisode4
NOUS : L’amour conjugal a quelque chose d’extraordinaire. Il est d’abord exclusif quant au choix du conjoint, c’est-à-dire monogame. Il est aussi en relation directe avec la tendresse amoureuse, l’originalité, l’enthousiasme et l’intelligence, celle du cœur. Cette dynamique amoureuse embellit les événements de la vie, rend la présence de l’autre précieuse, affine les sentiments et les émotions, rend plus sensible, plus indulgent, plus réceptif et attentionné au désir de l’autre et à ses espérances.
L’acte d’amour est don de soi, de son être tout entier et en même temps intériorisation de l’être aimé. C’est un comblement mutuel et simultané qui remplit chacun au moment même où il se donne. L’acte conjugal ne sollicite pas seulement les organes sexuels, mais tous les organes des sens : yeux, nez, oreilles, bouche ainsi que la peau qui est un merveilleux outil de communication. En fait, c’est le cerveau de l’être humain qui est l’organe sexuel essentiel. La sexualité n’a pas pour finalité la procréation qui n’est qu’une conséquence possible de l’union physique. Elle prétend à la joie que procurent le plaisir et la communion parfaite entre deux êtres, sur les trois plans de l’esprit, de l’âme et du corps. Le moment de l’acte conjugal est celui où s’expriment le mieux l’attention et l’écoute mutuelles, les égards, le respect, le désir de donner du plaisir à l’autre, de se donner à lui, à elle. C’est une soumission totale au désir et au plaisir de l’un et l’autre, sans rien imposer, dans la liberté et la confiance qui produisent l’accord et l’harmonie.
La création de la femme en vis-à-vis de l’homme, ou « visage à visage », manifeste bien la volonté de cette intimité faite de connaissance, de reconnaissance, de mise en commun, où se tissent des liens solides. L’acte sexuel doit se pratiquer dans le respect de ce vis-à-vis, sinon il rejoint l’animalité et devient un acte bestial qui nie la personne de l’autre et le transforme en objet sexuel. L’affectif va de pair avec le désir amoureux, sinon l’un ou l’autre risquent de devenir un besoin. Au lieu d’être désir d’aimer et désir d’union, ils deviennent besoin d’être aimé et exigences des preuves de cet amour ainsi que besoin physiologique de rapport sexuel. Une différence importante dans la relation conjugale c’est que le mari désire le rapport sexuel pour se sentir conquérant et fort, alors que la femme l’envisage comme une conséquence : elle a besoin d’un climat paisible pour être présente dans l’acte sexuel, alors que l’homme le considère comme source de détente, qui lui permettra ensuite d’être plus dynamique dans son activité. C’est justement dans l’acte conjugal, l’amour concrétisé dans le don de soi sur tous les plans que s’annule tout pouvoir, que se retrouve l’égalité de valeur, de fragilité, d’humanité, de désir d’être comblé et complet. De même que les paroles n’ont aucun sens si elles ne s’expriment pas aussi par le corps, de même la relation intime du couple s’exprime aussi avec des mots qui vont servir à faire connaître à l’autre ses désirs, ses attentes, ses préférences.
Cet échange est comme un dévoilement de soi mutuel qui mène à un accord commun et conduit à l’harmonie des corps et des cœurs. Comment avez-vous abordé la question de l’intimité conjugale ? La relation intime du couple a des effets bénéfiques sur le corps, mais aussi sur le mental. Les caresses qui accompagnent l’acte sexuel sont apaisantes et réconfortantes. Elles libèrent dans le sang les hormones qui rassurent, chassent le stress, revivifient toute la personne et lui donne le sentiment de pouvoir conquérir le monde et d’accomplir des prouesses. Tous les êtres vivants, que ce soient les hommes, mais aussi les mammifères, ont un besoin commun : celui d’être touché, d’être en contact avec le corps de l’autre, au moins avec une de ses parties. Le développement du système nerveux et son équilibre, ainsi que la croissance et la survie des êtres vivants dépendent fondamentalement de ce contact avec autrui. La peau est bien plus qu’une enveloppe corporelle. Les stimulations cutanées agréables ont un effet calmant et apaisant, en cas d’anxiété ou de tension nerveuse. Elles ont des propriétés antidépressives, car elles combattent la tristesse, stimulent la bonne humeur et relancent la joie de vivre. Que le couple ne se prive pas de caresses, de contact, même avec le regard. C’est le visage qui porte tous les sens et qui exprime les sentiments les plus profonds. C’est à son visage qu’on reconnaît un être humain, qu’on l’identifie et le distingue d’un autre et qu’on y lit si on est aimé, ami, accepté tel qu’on est.
Odile CHAUVET-Tous droits réservés